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D'Artagnan hors la loi

D'Artagnan hors la loi

Théâtre / AFAG Théâtre

C'est un bien petit maître celui qui n'assujetti que le réel. La vraie tentation c'est vouloir beaucoup plus : l'estime de soi, le geste gratuit, la quête de l'impossible, défier les lois, tuer le législateur, bref être sublime. Alors voilà, D'Artagnan débarque de sa province, provoque trois mousquetaires, tombe amoureux, affronte une flopée de gardes dans des combats hallucinants, traverse deux fois la manche et se heurte de front au Cardinal. C'est une épopée haletante - n'en doutez pas - une narration décomplexée - puisqu'on vous le dit - mais aussi un gant jeté à l'esprit de sérieux, au matérialisme bourgeois, à toute médiocrité, le tout en alexandrins sonnants et trébuchants - gardez la monnaie !

Ils sont huit au plateau pour une vingtaine de personnages, l'épopée se déploie à un rythme effréné, frénétique et frétillant. L'épopée c'est celle que Dumas a accouchée aux forceps de l'Histoire : des mousquetaires grandioses, orgueilleux, bravaches, potaches et frondeurs se mettent au service d'un roi inconséquent et plus encore d'une reine coquette - eh oui, on est en France. Qu'importent logique, mesure et prudence, seuls comptent l'honneur, le geste gratuit, l'estime de soi, toutes choses inutiles qui ne se marchandent pas - ou peu. Face à eux, l'hyperpremierministre Richelieu déploie tous les moyens de l'état, au service de la raison d'état car l'état, eh ben. c'est lui. Pour Dumas c'est le pays face à l'état, le génie français face à ses démons, la noblesse d'épée, de sang et de cour face à la médiocrité, aux basses concessions, à l'esprit marchand. Et il voit juste Dumas, non pas au regard de l'Histoire bien sûr, mais au regard des histoires que les français se jouent : les Saint-Cyriens imbéciles ou héroïques qui chargent sabres au clair face à la mitraille, la furia francese à Fornoue, Marignan ou Twickenham. Et Grégory Bron de renchérir. L'important dans le titre c'est «Hors-la-Loi» ( D'Artagnan c'est le petit plus.), la loi n'est pas la justice quand elle ne fait qu'armer le bras des puissants, la loi n'est pas l'honneur quand elle appelle la délation, la loi n'est pas l'ordre quand elle fige les déséquilibres inégalitaires, la loi n'est pas le bien commun quand elle fait office de cuillère pour servir la soupe à ceux qui ont le bras long. Alors il faut être « hors », la loi, l'obéissance, les habitudes, la routine, les rôles, les conventions théâtrales. Ces mousquetaires sont brillants, drôles, impertinents, enchaînant les combats époustouflants (parfois avec un seul bras valide, sinon c'est trop facile.), désarmant toute résistance d'un verbe cinglant et acéré (en alexandrins, sinon c'est trop facile.), ils sont la vague folle face à la solide jetée du Cardinal qui sait tout, qui voit tout (il a une armée de caméristes de surveillance), qui peut tout (sauf les corrompre, quoique.), mais qui, même vainqueur, ne peut que mettre un genou à terre pour saluer l'inutile, l'orgueilleuse résistance de ces sublimes sots que nous voudrions être. (Et tout ça presque sans décor)



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